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JOUR

  • Extrait n°02 du Tome 03_ Commémoration anniversaire de la sortie du T.02

    • Le 03/11/2018

    Extrait n°02 du T.03 "Jour Solaire"_ Lisez en exclusivité avant la sortie prochaine du Tome 03 son premier Chapitre, cadeau d'anniversaire de la sortie du T.02!!!

     

    CHAPITRE 01

     

            Ses cheveux bruns flottaient irréellement autour d’elle. Les bras en croix, elle tombait lentement en arrière, sa silhouette de poupée vaincue s’inclinant de plus en plus, pour se rapprocher inexorablement du sol.

             Sa main…

            Oui, il n’avait qu’à attraper sa main et il réussirait alors à la sauver. Il pouvait le faire. Il avait même le sentiment d’avoir reçu le pouvoir de la vitesse dans ce seul et unique but : la sauver elle, ici, maintenant, avant qu’elle ne soit totalement hors d’atteinte et qu’on ne la lui ôte à jamais. Hors de question de la perdre à nouveau. Il ne permettrait pas qu’on l’arrache une énième fois à la vie juste sous ses yeux. Quoi qu’il lui en coûte, il refusait de revivre ce cauchemar et cette fois, il aimait à croire qu’il y avait de l’espoir.

             Soudain, elle tourna la tête vers lui. Ses joues étaient striées de larmes amères qui avaient tracé des sillons étincelants sur son beau visage un peu pâle.

             Il aurait aimé lui dire de ne pas pleurer, que tout allait s’arranger. De ne surtout pas avoir peur parce qu’il était justement là pour la sauver et qu’il y arriverait quoi qu’il arrive. Mais il croisa son beau regard de quartz fumé et il sut qu’il s’agissait d’un mensonge. Dans ses yeux, il vit se refléter la triste réalité.

             Tout n’allait pas s’arranger, bien au contraire. Elle allait lui échapper. Encore.

             Poussé par un sursaut de rébellion, il accéléra l’allure dans un cri de rage, le bras obstinément tendu vers elle. Il était près, si près du but ! Il pouvait l’atteindre. Non, il devait l’atteindre.

          Leurs doigts n’étaient séparés que de quelques millimètres lorsque soudain, avant qu’il n’ait réussi à la toucher, son corps se désintégra en des centaines de molécules lumineuses. Sous ses yeux horrifiés, il la vit s’effacer peu à peu, telle une image virtuelle désintégrée, rongée par un virus plus fort qu’elle. Le phénomène commença par ses extrémités avant de remonter ses membres et de contaminer le reste de son corps, la faisant peu à peu disparaître.

             Oh non…. Ça recommençait. Son esprit avait beau la lui rendre encore et encore, la finalité restait inchangée. Il la perdait. Encore et toujours. Même ici, même dans le fort supposé inviolable de ses pensées, il échouait à l’arracher à l’inéluctable. La vérité avait fini par contaminer ses songes, il n’avait plus aucun refuge. Peu importe l’endroit, ses efforts, sa détermination inébranlable…la fatalité était en marche. Et à cause d’elle, il se trouverait incapable de protéger ce qu’il avait de plus précieux.

             Elle lui échappait et lui ne pouvait strictement rien y faire.

           Paralysé par une terreur irrépressible, il sentit son propre cœur se désagréger un peu plus à chaque partie d’elle qui disparaissait sous ses yeux. La douleur ne s’apaisait pas au fur et à mesure qu’il revivait cette épreuve, au contraire, elle s’intensifiait, se perfectionnait dans ce qu’elle avait de plus cruelle. Comme un bourreau ajustant toujours plus la qualité de ses soins. A chaque fois qu’elle lui échappait, il perdait un peu plus de lui-même, il le sentait. Son âme, sa raison… il ne comptait plus les parties de lui qui pâtissaient de cette torture interminable.

             Et bien sûr, comme toujours, à la fin il ne resta plus que son joli visage.

             Il y eut un instant de flottement irréel, où le temps sembla s’arrêter pour que leurs regards se rencontrent. Il la vit nettement battre des lèvres. Puis le temps reprit son cours et sous ses yeux impuissants, elle disparut complètement.

             Dévasté, il ne put qu’observer l’espace vide qui se trouvait à présent devant lui.

           Elle n’existait plus. C’était terminé. Tout ce qui restait d’elle était une dernière larme étincelante encore en lévitation et l’écho de son doux murmure. Dévasté, il observa la goutte d’eau salée capter ses derniers rayons de lumière avant de s’effondrer sur le sol, victime de la gravité.

             Et voilà…Il venait de la perdre à nouveau. Il avait échoué. Encore

            Il aurait pu s’effondrer tout de suite sur le sol. Il aurait pu hurler et disserter jusqu’à plus soif sur l’injustice de ce jeu aussi tronqué que cruel. Au lieu de quoi, serrant les poings, il se retrouva habité d’une détermination sourde qui le fit trembler de tout son corps.

             Deux mots… Deux petits mots…

            Sauve-moi…

            Voilà ce qu’elle avait murmuré. Et il était bien décidé à tenir parole.

     

    ***

          Jamie se réveilla en sursaut. Son corps… Il résonnait tout entier d’une douleur insupportable. Il avait l’impression que chaque parcelle de sa peau, chaque cellule, chaque fibre de son être était en train de se désolidariser de lui pour se faire désintégrer à l’acide sulfurique. Honnêtement, il n’avait jamais connu ça. La douleur dépassait toutes les limites du supportable et réveillait des parties de son anatomie qu’il ne pensait même pas être vivantes, au point de le transformer en un amas de chairs agonisantes.

           Affreusement crispé, le souffle coupé, il lui fallut une éternité pour réussir à émettre une pensée cohérente. La douleur lui engourdissait l’esprit, empêchant ce dernier de voir au-delà de ses limites incandescentes. Allongé sur le dos, dans le noir complet, il tenta de se rappeler depuis quand il vivait ce calvaire sans nom. Combien de temps avait-il passé à hurler à la mort, le corps fiévreux tendu par des convulsions innommables, l’esprit torturé par un cycle sans fin de cauchemars ? Des jours, des mois, des années… Le compte était approximatif mais tout cela n’avait pas grande importance.

           La conclusion logique était qu’il le vivait depuis bien trop longtemps et qu’il était temps que tout cela s’arrête.

          Tout autre être humain en aurait perdu l’esprit. Tout autre que lui aurait demandé à mourir pour échapper à ces sensations insupportables. Mais alors que son corps se tendait dans une énième crispation, Jamie serra les poings. En dépit de tout, il devait vivre, c’était ainsi. Peu importe cet enfer, il devait s’en sortir.

          Parce qu’il avait une mission à accomplir.

          Puis vint le temps où pour la première fois depuis une éternité, la douleur se mit à refluer. Tout à coup, il la sentit battre lentement en retraite, telle une vague se retirant doucement du sable d’une plage. Fourbu, haletant, il resta immobile un long moment, les yeux au plafond et son corps traumatisé engourdi par ses douleurs passées.

          Seigneur, où était-il ?

         Il avait passé tant de nuits interminables à hurler, crispé dans des séries ininterrompues de spasmes qu’il ne se l’était pas encore demandé. La pièce où il se trouvait était plongée dans le noir par d’épais rideaux opaques mais il réussit au bout d’un moment à en discerner les contours. C’était étrange. Sans qu’il sache se l’expliquer, elle lui était inconnue et pourtant étrangement familière. Comme une photo qu’on aurait bien trop retouchée pour qu’elle puisse encore prétendre ressembler à l’originale.

         Encore haletant, il tourna la tête et son souffle s’enraya.

        Là, à côté du lit, recroquevillée dans un fauteuil se tenait une silhouette féminine endormie. Honnêtement, il la reconnut tout de suite. Même fiévreux et proche de la mort, il n’avait pensé qu’à elle. Elle avait hanté ses rêves comme pour lui rappeler qu’il n’avait d’autre choix que de se battre pour survivre en dépit du mal qui tentait de l’aspirer. Complètement perdu, le souffle encore coupé, il tenta de juguler la vague de bonheur intense qui était en train de monter en lui.

         Est-ce que cela voulait dire qu’il avait réussi ? Avait-il atteint la vitesse de la lumière et remonté le temps ?

         L’avait-il sauvée ?

         C’est alors que la jeune femme se réveilla en sursaut. Jamie la vit se tendre sur son siège, ses sens en alerte.

     

    — Oh non…, murmura-t-elle horrifiée. Sa respiration….

     

    La seconde suivante, elle était près de lui. Ou plutôt sur lui. Comme paralysé, il sentit l’une de ses mains se poser sur son torse, tandis que l’autre trouvait son visage, puis ses cheveux. Malgré l’urgence, ses gestes restaient doux et l’esprit de Jamie, tout comme son corps, faillit pendant un instant être submergé par l’émotion et par l’effet de ses caresses.

        Jusqu’à ce qu’il comprenne.

        Elle avait dû le veiller. Durant tout ce temps, elle l’avait vu hurler de douleurs et agoniser. Et lorsqu’il avait retenu sa respiration, elle avait cru qu’il venait de mourir.

        Sa belle, sa courageuse Mingan…

        Il n’eut pas à réfléchir très longtemps. La seconde qui suivit, il emprisonna sous la sienne la main qu’elle avait posée sur son torse à la recherche de ses battements de cœur. Surprise, Mingan sursauta. Puis après avoir observé leurs deux mains jointes pendant quelques secondes, il la vit tourner la tête vers lui et chercher son regard dans l’obscurité. Leurs visages étaient tellement proches qu’il sentait le souffle doux de sa respiration un peu anarchique sur sa peau.

        Quelques secondes passèrent avant que sa jolie voix basse ne s’élève, incertaine.

     

    — Jamie ?

     

    Il sentit un sourire irrépressible monter sur ses lèvres.

     

    — J’en ai bien peur.

     

    Malgré les ténèbres, il perçut à son tour son sourire. Avec un sanglot étranglé, elle se jeta sur lui pour le prendre dans ses bras. Jamie sentit sur sa peau encore hypersensible le poids des larmes chaudes qui coulaient sans discontinuer de son visage.

     

    — Oh, merci, l’entendit-il souffler près de son oreille. Merci, Seigneur…

     

    Malgré la douleur, Jamie la serra contre lui.

     

    — Mais de rien, sourit-il.

     

    Le rire de Mingan se mêla à ses larmes.

     

    — Abruti.

     

    Le sourire du jeune homme s’élargit. La serrant un peu plus contre lui, il déposa sa tempe dans ses cheveux et sentit l’odeur si familière de son shampoing, déclenchant ainsi en lui une énième vague de bonheur dévastatrice.

     

    — J’en ai bien peur, se désola-t-il.

     

    Elle eut ce petit rire qu’il avait entendu des milliers de fois dans leur intimité et qu’il connaissait par cœur. Ils restèrent un long moment dans les bras l’un de l’autre. C’était une petite bulle de bonheur intemporelle et dans les circonstances actuelles, aucun d’entre eux n’avait envie qu’elle se termine trop tôt. Pourtant, au bout d’un moment, Mingan s’obligea à s’écarter de lui.

     

    — Euh, Ja…

    — Attends, l’interrompit-il, tu peux ouvrir le rideau, s’il te plait ? Je sais que c’est bête mais j’ai vraiment besoin de voir ton visage. Tu vois, sourit-il, une sorte de cerise sur le gâteau qui me rassurerait et me prouverait que tout ce cauchemar est enfin derrière nous.

     

    Il y eut un silence. Un long silence. La main qu’elle avait levée pour s’essuyer les yeux resta en lévitation. A cause de l’obscurité, Jamie n’avait pas encore accès à son expression mais il sentit ses traits se figer sous les doigts qu’il avait tendrement posés sur son visage. Puis au bout d’un moment, elle soupira et sa main retomba sur le matelas.

     

    — Bon, très bien, murmura-t-elle. Si tu insistes…

     

    Quelques secondes plus tard, la lumière inondait la pièce, éblouissant Jamie au passage et déclenchant un sursaut tonitruant de sa migraine. Au début, son regard aveuglé s’égara dans la chambre, où il reconnut plus ou moins la décoration du manoir de l’Organisation. Puis, il dévia vers la fenêtre et fatalement sur Mingan. Comme elle lui tournait encore le dos, il n’eut accès pour commencer qu’à sa silhouette familière.

         Plus tard, il mettra son inattention sur le compte de l’excitation et de la migraine grandissante qui lui battait les tempes. Et pourtant, s’il devait être honnête avec lui-même, il pourrait s’avouer que de dos déjà, il avait commencé à avoir quelques soupçons. En dépit de leurs conséquences, rien n’aurait pu empêcher Jamie de remarquer les détails parlants tels que ses cheveux plus courts et ses formes délicieusement plus généreuses à certains endroits stratégiques.

         Oui, il connaissait sa femme sur le bout des doigts, si bien que son esprit avait déjà atteint la conclusion logique bien avant que son cœur ne se soit fait une raison et que la jeune femme ne se soit tournée vers lui, dévoilant ainsi les petites rides inédites qui décoraient ses yeux rieurs.

         Oh bien sûr, il avait bien affaire à Mingan Kittymeans. Aucun doute là-dessus.

     

         Mais ça n’était pas sa Mingan.

     

         Elle croisa son regard atterré.

     

    — Je suis désolée, Jamie. Vraiment désolée, dit-elle avec un sourire triste. J’aurais vraiment aimé pouvoir te dire ce que tu veux entendre… mais je pense que tu as déjà compris que je ne le peux pas.

     

    S’il avait compris ? Honnêtement, plus il essayait et moins il réussissait à déchiffrer quelque chose dans ce merdier. Et pourtant, alors qu’il sombrait une nouvelle fois dans l’inconscience, il fut certain de savoir où voulait en venir la jeune femme.

         Elle venait ni plus ni moins de lui annoncer que le cauchemar était loin d’être terminé.